10/2023

Tribune : De la protection de la nature au patrimoine naturel

En Europe, les initiatives pour sauvegarder notre héritage culturel se multiplient : journées européennes du patrimoine, musées, fonds publics ou privés dédiés à la restauration d’œuvres d’art et de bâtiments historiques… Pourtant, un autre type de patrimoine mérite tout autant notre attention : le patrimoine naturel, ce legs vivant et précieux que nous devons préserver avec autant de soin.


Une réduction mondiale des zones naturelles

Dès 1972, l’Unesco a inscrit la nature dans le champ d’action de la Convention du patrimoine mondial, devenue l’un des instruments internationaux les plus efficaces pour préserver les sites naturels extraordinaires de la planète [1]. Cette initiative répond à l’urgence de préserver la biodiversité alors que la réduction des espaces naturels s’accélère : un million d'espèces sont menacées d'extinction et 85 % des zones humides ont disparu [2].

De surcroît, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a alerté sur l’érosion accélérée du patrimoine naturel mondial. Sur environ 6 000 plantes cultivées historiquement pour notre alimentation, moins de 200 le sont désormais [3]. Plus extrême encore, 66 % de la production végétale mondiale se résume à 9 espèces*.

À cette disparition s’ajoute la destruction massive des forêts, estimée à 10 millions d’hectares chaque année. Ceci a un impact direct sur l’équilibre planétaire et humain, accentuant les problématiques existantes liées au changement climatique.

Pourtant, les nombreux bénéfices des sites naturels ne sont plus à démontrer. Ils forment d’abord une barrière naturelle, contribuant, entre autres, à réduire les risques et les incidences des catastrophes naturelles [4]. De même, les 69 millions d’hectares de forêts de ce patrimoine absorbent environ 190 millions de tonnes de CO2 chaque année [5]. Cela équivaut à environ 45% des émissions de CO2 émises par la France en 2022.  Enfin, dans le domaine de la santé, des recherches ont prouvé que les personnes vivant près d'espaces verts ont un risque réduit de dépression et d’anxiété.

 

Le patrimoine naturel : un legs à préserver pour les générations futures

Parler de patrimoine pour évoquer la nature est loin d’être un non-sens, puisque ce terme intègre la dimension de transmission : ce que nous léguons aux générations futures. Or, si de nouveaux textes à portée juridique ou symbolique ont suivi la démarche initiée par l’Unesco – on peut citer entre autres la Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage [6], ou encore la Convention de Berne [7] –, il reste encore beaucoup à faire pour préserver notre capital naturel si essentiel.

Le Patrimoine Naturel intègre les richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques. Parce qu’elles nous sont précieuses, elles méritent autant d’attention que tout autre élément de notre patrimoine. Il est donc essentiel d’agir et de faire évoluer notre approche en prolongeant la démarche patrimoniale initiée par l’Unesco.


Des actions concrètes pour engager, inspirer et sauvegarder

Que ce soit à l’échelle mondiale, nationale, régionale ou individuelle, quantité d’initiatives créatives et positives existent, contribuant à la conservation et au développement de sites naturels. Ces initiatives, souvent coûteuses et complexes, ont besoin de soutien et de reconnaissance pour mener à bien leur mission. Ces projets présentent souvent également un volet d’éducation et de sensibilisation de toutes les générations à la biodiversité, ses bienfaits, son rôle et sa nécessité.

C’est le cas du “Prix du Patrimoine Naturel” que j’ai créé au sein de la Fondation Etrillard, que je souhaite positionner comme acteur dans le mécénat environnemental. Nous voulons soutenir le financement de projets porteurs de solutions, qui répondent à des questions aussi larges que la pénurie d’eau, la réhabilitation des terres agricoles ou le développement de zones d’agroforesterie. Ceux qui bénéficient de notre soutien apportent, entre autres, des réponses concrètes à la dépollution des terres pour les réinscrire dans un cercle vertueux, ou encore développent des méthodes innovantes pour cultiver et nourrir les populations.

Parce qu’il est vivant, ce patrimoine doit être traité différemment, en interagissant avec lui, non pas pour le contrôler, mais pour lui permettre d’exprimer toute sa richesse. Il s’agit d’envisager sa préservation sous un angle positif, en montrant que nous pouvons agir. Ce sont par des initiatives comme celle que je porte au sein de la Fondation Etrillard, que nous pourrons susciter des vocations et offrir au grand public un discours éducatif et utile, exempt d’éco-anxiété.

Eglantine Petit - Fondation Etrillard

 

*canne à sucre, maïs, riz, blé, pommes de terre, soja, palmier à huile, betterave, sucre et manioc

[1] Source : Centre du patrimoine mondial - Patrimoine mondial naturel

[2] Rapport IPBES 2019

[3] Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage (Conseil de l'Europe)

[4] Convention du patrimoine mondial

[5] Bibliothèque numérique UNESDOC

[6] Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage

[7] Convention de Berne